Max passe des étés magiques chez ses grands-parents dans la campagne anglaise.

 

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Ses parents menant de brillantes carrières à l’étranger, il trouve l’amour dans cet univers simple, auprès de son grand-père qui lui apprend la pêche, le ciel, les saisons et la fidélité des chiens. Alors qu’il a dix ans, sa mère décide qu’il est temps pour lui d’intégrer l’école sur la colline où on lui enseignera à devenir un gentleman. Malgré les seulement dix kilomètres qui le séparent de sa ferme adorée, Max devient pensionnaire, ne revenant sur ses terres que pour les week-ends. Il n’a pas envie de quitter son havre de paix mais lorsqu’il découvre le manoir sordide où il va passer de longues années, il est loin de se douter qu’il a rejoint l’enfer. Les méthodes éducatives pour faire plier les gosses sont des plus rudes. Douches à l’eau froide, coups sur le corps, le bout des doigts, réprimandes, brimades, tout est punition. On est battu sans savoir pourquoi avec une telle sauvagerie que certains vomissent. Un abbé en particulier incarne la terreur, une brute épaisse qu’il vaut mieux ne pas croiser. Dans ce microcosme sordide, Max vit les instants les plus désespérés de toute sa vie. Il forge aussi des amitiés si solides qu’elles dureront à jamais.

Des années plus tard, l’abbé est arrêté, jugé pour violences et condamné pour agressions sexuelles, agressions dont Max ignorait l’existence, y ayant échappé. Mais à quel point s’est-il voilé la face et ses amis comptent-ils parmi les victimes du pervers ? Lors de retours dans son passé, à mesure d’une narration fluide, ses interrogations obtiennent des réponses. Les contacts qu’il a gardés avec ses plus chers camarades lui en apprennent plus tandis que grandit sa culpabilité de n’avoir rien deviné. Il savait les remontrances, les punitions, les gifles et s’était tu pourtant. Par honte, peur de décevoir, il avait nié les privations, la violence, même auprès de son grand-père qui lui avait pourtant affirmé qu’il fallait « dire les choses ». Par crainte de n’être pas à la hauteur des espérances de ses parents, de ne pas faire partie de cette élite que lui conférait cette école onéreuse, de se priver des chances d’un avenir brillant, Max s’est tu. Alors qui d’autre n’a rien dit ? Qui d’autre a caché l’indicible, le pire ?

En revisitant sa mémoire, Max fait surgir des mensonges enfouis, comprend les raisons de la dépression d’un ami, du suicide d’un autre. Comme si le cauchemar reprenait vie et cachait de nouveaux secrets, encore plus inaudibles. Se remet-on jamais d’avoir accordé sa confiance aux adultes, à ces hommes d’église les plus susceptibles de nous protéger, de nous montrer l’exemple ? Comment lutter contre cette honte, cette faute que l’on croit sienne quand on a dix ans ? Dans ce roman, aussi noir que lumineux, le désespoir affleure à chaque passage, écrasé par l’éblouissement de l’enfance, des souvenirs heureux, de l’amitié solidaire, à la vie à la mort. Sans jamais plonger dans le sordide, en suggérant plus qu’en décrivant, à hauteur d’enfants, Scudamore dresse une peinture toute en délicatesse d’un milieu, d’une époque, et si la critique est acerbe, il nous rappelle malheureusement, actualité aidant, que le silence est toujours d’or et protège encore les monstres tapis dans les pensionnats, d’Angleterre ou d’ailleurs.

Marianne Peyronnet