Une femme sort de prison. Elle a commis le pire des crimes
Ivre, de retour à une visite à son amant, elle a provoqué un accident de voiture dans lequel son fils aîné a été tué. Elle travaille désormais dans un petit bistrot et loue une piaule au-dessus de l’établissement. Le soir, elle brave l’interdiction et se rend dans son ancienne rue où elle observe son cadet et son ex-mari sans être vue. Il ne se passe pas grand-chose. En apparence. Pas de grands rebondissements dans la vie de cette mère, simplement des actes routiniers auxquels elle se raccroche pour tenir le coup. Mais beaucoup de souvenirs, de pensées.
Les chapitres sont courts, comme le roman lui-même. On y apprend des bribes de son existence d’avant : ses conditions de détention ; ses frasques d’une jeunesse rebelle et délinquante, en marge ; son mariage avec la naissance de ses deux enfants au cours duquel elle a joué son rôle d’épouse et mère sans réellement trouver sa place dans un univers lisse et convenu ; son amour pour les membres de cette famille, à l’opposé de celle où elle a grandi. On y comprend les liens qu’elle tisse dans ce présent qui lui semble un peu irréel, qu’elle ne mérite pas, avec sa patronne, sa collègue, son fils, son ex. On est saisi par le poids de cette faute dont elle ne cherche aucunement à s’alléger.
Puis, la parole est donnée aux autres. A ceux qui gravitent autour d’elle, dont les interactions, même seulement rêvées, construisent sa propre vie. Tous, en relatant même des événements sans rapport direct avec cette femme, la racontent, la construisent, tant aucune existence n’est fondée sur l’absence de connexion avec autrui, tant chacun de nos actes a des conséquences qui transforment la réalité de nos semblables, même les petits riens.
Pour incarner cette d’idée d’interdépendance, Denis Soula a choisi une forme sidérante. La voix des différents personnages se succède, à la première personne, au présent, abruptement. Le lecteur ignore, à chaque nouveau chapitre, qui parle et il lui faut quelques secondes, quelques lignes pour comprendre qui s’exprime. La démarche est déroutante au début puis se révèle limpide. Les psychés s’imbriquent, les regrets ou espoirs se déploient, donnant une épaisseur identique à tous. Le procédé, de surprenant s’avère très efficace et maîtrisé pour dire combien tous les protagonistes narrent la même histoire, un bout de vie commune.
Roman sur la culpabilité, Me tenir droite parle avant tout d’amour, de pardon, de rédemption et dévoile comment la lumière peut malgré tout surgir au bout d’un tunnel de ténèbres, avec le temps, grâce à notre humanité, à notre capacité à ne pas (nous) juger de façon si sévère qu’elle ne (nous) laisserait aucune chance.
Marianne Peyronnet