Dans une petite ville au nord, tout au nord des Etats-Unis vit une jeune fille de dix-neuf ans.
On s’ennuie vite dans ce bourg. On y boit beaucoup. Les seuls éléments qui bougent et se renouvellent, contrairement aux habitants, sont les vagues de l’océan. Elle passe des heures dans leur contemplation, espérant voir resurgir de l’eau ce père qu’elle aimait tant et qui s’y est abîmé des années plus tôt. Pêcheur, dépressif, alcoolique, les chances qu’il refasse surface sont ténues, mais elle y croit. Elle se rêve sirène et comme l’héroïne des contes, son amour pour un humain la rend vulnérable. Jude, plus âgé qu’elle, vétéran d’une guerre qui l’a laissé traumatisé, se refuse à elle de peur de l’entraîner au fond dans son sillage.
Seul l’océan pour me sauver est un voyage dans la psyché d’une jeune fille qui a la mer pour seule véritable amie. Son horizon, par-delà l’eau, reste fixe, immuable tandis que s’agitent ses démons intérieurs. Va-t-elle sombrer dans un désespoir aussi profond que les abysses ? A mesure que grandit son désir pour cet homme énigmatique et perdu, elle voudrait fondre, l’ensevelir sous une pellicule d’humidité collante, le serrer contre elle à jamais. Les éléments qui l’entourent deviennent des êtres plus tangibles que les humains de chair. L’eau, le vent se déchaînent ou se calment comme ses pensées. Est-elle folle de se croire ainsi maîtresse des mers ? N’est-elle pas finalement cette sirène prête à mourir d’amour ou à tuer par amour ?
Le lecteur n’aura pas la réponse, pas plus qu’il ne saisit les mouvements tourbillonnants de la tempête. Il ne pourra qu’être envouté par la beauté magique de l’eau, par l’onirisme fascinant de ce premier roman, par la poésie mélancolique de ce récit dérangeant, touchant, plein de désir charnel et d’un sentiment de vide. Les corps y sont, comme les songes de la fille, évanescents, aussi insaisissables que l’eau qui coule. Le bleu y domine, celui du ciel, de l’océan, du spleen, et de la couverture de cette splendide édition du Gospel qui nous propose, une fois de plus, la découverte d’un texte culte, paru initialement aux Etats-Unis en 2004.
Marianne Peyronnet