Bisontin expatrié au Québec, Paul Kawczak se souvient assez du pays natal pour y situer son nouveau livre, après le très remarqué et conradien Ténèbre.

 

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S’il est besoin d’une figure tutélaire, on invoquera plutôt ici celle de J. M. Barrie, dont le Peter Pan sert de référence explicite à cette histoire d’enfants cachés. Un Peter Pan maléfique, toutefois, et assumant aussi bien le rôle du capitaine Crochet, incarné en cet été 42 par un SS défiguré poursuivant de sa vindicte trois enfants juifs, dissimulés par la Résistance dans les souterrains d’un château en ruine. Un tel acharnement ne s’expliquant pas totalement par le seul fanatisme génocidaire, on en taira la raison, fort improbable d’ailleurs et donnée comme en passant par un auteur qui n’a pas vraiment l’air d’y croire, tout occupé qu’il est à bricoler son roman tel son fourreau la larve de trichoptère. Il agglutine en effet son récit bien plus qu’il ne le déroule, n’ayant de cesse d’en barder le corps fragile – les enfants dans la grotte, qui font les plus belles pages – d’éléments plus ou moins disparates et référencés où l’écriture, de préférence élégiaque, adopte alors une précision documentaire parfois presque maniaque. Parmi les pièces de cette armure, on trouvera, au choix : l’histoire sociale de la Franche-Comté, la toujours nécessaire litanie des déportations, le bombardement à ce jour inexpliqué de la gare de Besançon, l’histoire familiale des Boltanski telle que racontée dans La Cache, l’abbé Prévost et son Cleveland, la biographie viennoise de Wilhelm Reich, le fonctionnement détaillé d’un jeu de construction en bois et jusqu’au Papy Mougeot de Coluche, qui s’invite à l’occasion d’un court mais déterminant épisode !

L’éditeur parle à son propos de réalisme magique : trop fasciné, peut-être, par son sujet, M. Kawczak oublie toutefois d’allumer la flamme sous le creuset et reste au seuil de la transmutation, très en-deçà, par exemple et dans un registre similaire, des Loups de Malenfance d’un Luc Bérimont.

Yann Fastier