Qui se souvient de Marc Papillon de Lasphrise ?
Né en 1555 (Montaigne avait 22 ans) près d’Amboise, orphelin de père et élevé par sa mère, engagé très tôt dans l’armée, la famille étant appauvrie par les guerres, il s’illustre dans de nombreux conflits. Élevé au rang de capitaine, il séjourne souvent à la cour et se rallie à Henri IV, avant de retourner à Lasphrise en 1587 pour y élever sa fille Marguerite et devenir un poète satirique et érotique surtout connu pour « Les amours de Théophile ».
Pourtant c’est un Papillon fragile et à la santé précaire que l’on découvre au début du roman, où l’on retrouve Marc enfant, à quatre ans, qui se remet d’une grave collision avec un sanglier, alors que le roi Henri II vient de mourir. Papillon survit cependant à toutes les batailles, et c’est un homme bien décati, « migraineux et podagre, le crâne envahi d’atrabile, les charnières et gonds de l’ossature goutte à goutte infiltrés de bile jaune, » que l’on retrouve au tournant du 16ème siècle, usé par les deuils et les combats, les amours déçues.
La poésie est devenue son élixir, c’est le démon de l’écriture qui le tient debout contre toutes les tempêtes. Mais son ultime recueil de poèmes, dans lequel il s’est mis tout entier, ne rencontre que quolibets et mépris. Lors, il va se faire voyageur, pour promouvoir son œuvre, et va faire le serment de ne pas trouver le repos tant que la notoriété ne sera pas acquise à ses écrits.
Par une étrange infortune ce serment proféré sous le coup de la colère va le condamner à l’immortalité physique tant que son nom ne sera passé à la postérité, faisant du seigneur de Lasphrise un héros bien particulier : En effet, cette immortalité accidentelle et subie va plonger Papillon dans un véritable cauchemar. Grand amoureux, il voit mourir une à une ses conquêtes, partir ses amis et connaissances, disparaître sa famille, et c’est un homme triste et désabusé, sans cesse malade, ballotté par le hasard, qui se retrouve le jouet d’évènements inattendus. Emporté dans de multiples aventures, traversant les époques, embastillé avec Sade, croisant Napoléon, le comte de St Germain, il survit aux galères, à la Commune et à la Gestapo, alors qu’il ne souhaite rien d’autre que partir tranquillement, quitter ce monde devenu sans attraits, Candide blasé qui se tire des pires situations avec regret.
Et, sous la plume d’Hubert Haddad, c’est une langue baroque et somptueuse, drôle, rythmée et enjouée, toujours admirablement lisible, qui sert de véhicule au lecteur lors de ce voyage rocambolesque.
Lionel Bussière