Dans Pas de littérature !, Sébastien Rutès s’était livré à un pastiche très 50’s de la littérature de genre façon Série noire.

 

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S’il ne quitte pas, ici, le milieu littéraire parisien, il en dresse un portrait on ne peut plus contemporain et sa délectation est communicative à l’évocation des dérives égocentriques d’un microcosme peuplé d’écrivains en quête d’un maximum de likes sur les réseaux sociaux et de pseudo-lecteurs plus à la recherche de selfies avec des stars du petit écran que d’exemplaires de leurs œuvres.

Augustin Cami est l’auteur d’un seul roman. Le succès qu’il a rencontré est tel qu’il n’a pas besoin d’en écrire un second pour être invité partout. Il a une jolie petite gueule, de la repartie, ce qu’il faut de culture, et un avis sur tout. Baroudeur au grand cœur, féru d’écologie, pourfendeur du capitalisme, ses prises de position sont attendues comme le Messie, reprises, notées, analysées. Les journalistes se l’arrachent parce qu’il est un bon client, comme on dit. Avec lui, l’audimat pète les scores et internet s’affole. Quand il ne donne pas son point de vue sur les plateaux télé, il s’adonne aux joies des communiqués sur Facebook ou Insta. Alors, quand les flics le convoquent parce qu’il pourrait, avec ses posts corrosifs, entraîner dans sa vindicte quelques fans en mal de reconnaissance, il crie à l’injustice, à la censure. Une chose en amenant une autre, c’est à un déferlement de situations incontrôlables qu’il va devoir faire face.

Fut un temps où l’on disait le silence d’or. Où les gens n’étaient pas atteints du syndrome du cordonnier, affection où par « excès de confiance, on se croit légitime sur tous les sujets », nous explique l’auteur en cours de récit. Un temps reposant, loin de l’agitation médiatique moderne alimentée quotidiennement par les prétendues punchlines des politiciens, écrivains et autres influenceurs. Avec son Augustin, intello réfractaire à toute forme d’autorité, englué néanmoins dans les affres de la recherche constante de la célébrité pour continuer d’exister, Rutès pointe les défauts de notre présent. A cette effervescence, il oppose une autre temporalité avec les personnages secondaires auprès desquels Cami se ressource. Sa fille de treize ans le remet à sa place à coups de remarques sorties des 80’s. Son pote Greg, tenancier d’un bar de quartier dans son jus est fan de Renaud et garant de valeurs surannées. Et l’on se prend à rêver que comme Augustin, dont on ne cesse d’associer l’image à ces personnalités, brillantes mais si présentes qu’elles finissent par fatiguer, certains se servent plus de leurs mouilles pour descendre des demis au comptoir d’un zinc qu’à l’ouvrir sans arrêt et nous dire quoi penser sur n’importe quel sujet.

Marianne Peyronnet