Ce qu’il y a de bien avec les livres de Playlist society, c’est que leurs auteurs, non seulement s’attaquent à des pans de culture rarement traités ailleurs

 

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 (de Buffy à Araky, en passant par le film publicitaire ou la vie de Lizzy Mercier Descloux), décortiquent les œuvres et biographies des personnes abordées avec leurs yeux d’experts, de passionnés, mais surtout proposent un angle dans leurs études. Loin de se contenter d’aligner des données souvent chronologiques, d’insister sur des faits dignes des pires tabloïds, ils s’évertuent à développer une thèse, un point de vue. De qualité universitaire, les formats courts de la collection les contraignent à ne pas sortir du cadre, demeurer dans une concision permettant une parfaite vulgarisation. Ainsi, qu’on s’intéresse à la folie, moyennement voire pas du tout au sujet abordé, on sait qu’on y trouvera son compte, pour peu qu’on soit curieux.

Dans Beck : des palmiers dans l’espace, Pauline Guedj, maîtresse de conférence à Lyon, revient sur le parcours du « Loser » magnifique, interstellaire pourrait-on dire, tant son tube de 1993 a connu un si grand succès que même les martiens l’ont forcément entendu. L’auteure y développe l’idée que Beck est indissociable de sa ville, Los Angeles, et que son œuvre est de nature hybride, faite d’empilements et d’emprunts à différents types de musique à l’image des couches d’urbanisation et des vagues successives d’immigration sur lesquelles s’est bâtie la cité des anges. Le jeune Beck grandit dans des quartiers populaires, bénéficiant à la fois d’une solide hérédité musicale – son père est un violoniste classique virtuose, son grand-père maternel collabore à Fluxus, mouvement avant-gardiste et son beau-père l’initie aux ambiances latino – et d’un environnement propre aux mélanges des genres dans sa banlieue déshéritée, terre d’accueil de populations venues de Corée ou d’Amérique centrale. A l’instar de sa ville, tournée vers l’avenir, toujours en mouvement avec ses autoroutes grignotant le désert et pourtant nostalgique d’un passé détruit au rythme d’une gentrification galopante, il n’a de cesse d’innover, ajoutant sur de solides bases folk et blues des accents hip-hop agrémentés de samples, d’empilements, de changements de rythme. Jamais où on l’attend, toujours proche de la parodie, son œuvre, comprenant désormais pas loin de quinze albums, déstabilise par son approche où règnent une forte propension à la spontanéité et des textes souvent reflets des peurs contemporaines, écologiques et sociales.

Le livre de Pauline Guedj s’intègre parfaitement dans la collection et le résumé présenté ici est bien loin d’en traduire la richesse. Composé d’extraits d’interviews, de paroles de proches, de souvenirs de musiciens et auteurs de ce coin des Etats-Unis, contextualisé par de nombreuses références sur l’histoire de LA, il offre une nouvelle vision d’un artiste finalement peu connu, livrant une image plus complexe que celle du gentil blondinet, du cliché de la saine et éternelle jeunesse californienne.

Marianne Peyronnet