1848, Hydesville, comté de Monroe.
La famille Fox vient de déménager dans une vieille ferme isolée, dans l’état de New York, que le voisinage prétend hantée. Kate et Margaret, les plus jeunes des trois sœurs Fox, ont respectivement onze et quinze ans, Leah, de vingt ans leur aînée, vit maintenant à Rochester, avec un banquier d’affaire, à l’abri du besoin.
Dans la nuit du 31 mars 1848, Kate et Maggie, réveillées par des coups dans la maison, établissent un contact avec un esprit, qu’elles baptisent Mr Splitfoot, et qui va leur révéler qu’il a été assassiné dans la maison et enterré dans la cave. Le récit des sœurs Fox va se répandre en ville, susciter de l’intérêt, prendre de l’importance, avant que des congrégations religieuses ne s’en emparent et crient à l’anathème, lui faisant alors une publicité monstrueuse. Les étonnantes capacités médiumniques des sœurs Fox vont alors déferler sur les États-Unis et jouer un rôle capital dans la naissance du spiritualisme anglo-saxon moderne. Très vite, Leah, la sœur aînée, va comprendre le potentiel financier de ce don, et encourager ses sœurs à faire des démonstrations publiques. Des comités scientifiques vont se créer pour examiner et contrôler les performances spirites des sœurs Fox, sans jamais trouver quelque chose qui permettrait d’annoncer un cas de charlatanisme. Racontée sur un demi-siècle, la palpitante vie des sœurs Fox oscillera entre célébrité et désillusion, richesse et pauvreté extrême, sans que leur probité ne soit mise en doute.
Mais ce demi-siècle est surtout pour Hubert Haddad un cadre idéal pour conter cinquante ans d’histoire américaine, s’attardant sur la puissance des congrégations religieuses, évoquant l’abolitionnisme, exposant toute la violence de la guerre de sécession, en suivant les parcours singuliers de nombreux personnages, importants ou non, de cette époque. On croisera ainsi Ralph Waldo Emerson, l’évangéliste Alexander Cruik, l’abolitionniste Frederik Douglass, ainsi que John Brown (sur lequel on pourra lire avec bonheur l’extraordinaire Pourfendeur de nuages de Russell Banks), ou Pearl Gascoigne, la fille de pasteur militante des droits des femmes et des minorités. Le long de cette épopée, William Pill chevauche au pas chaloupé de sa monture, un magnifique quarter horse échangé contre une montre en or, et personnifie le soldat déclassé qui essaie de tirer son épingle du jeu, tout en créant sous la poussière des sabots la piste manquante, celle qui permet d’unifier le récit en lui donnant une trame. L’exercice est passionnant, rempli d’érudition et de tendresse pour ces personnages malmenés par l’histoire.
Bien après la mort des sœurs Fox, lors de travaux dans la vieille ferme familiale, on retrouva le cadavre de Mr Splitfoot, muré dans les fondations.
Lionel Bussière
