D’amour il est question dans ce roman émouvant mettant en scène deux adolescents dans le Dublin des années 1980.

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Mais pas d’un amour conventionnel, consommé comme on l’imagine quand il s’agit de décrire la relation entre un garçon et une fille en âge d’éprouver leurs premiers émois. Juno grandit dans une famille dysfonctionnelle où la pauvreté la place inexorablement dans le clan des honteux. Sa mère, couturière à domicile, peine à se faire payer les travaux qu’elle effectue pour des voisines profitant de sa faiblesse de cœur et de statut. Son père peine à se lever le matin, après tout le whisky ingurgité la veille. Sa grande sœur a quitté la maison, chassée pour avoir été engrossée sans être mariée. Juno se cabre, se révolte. Elle casse des gueules à la récré, pour sauver son honneur. Et un jour pour sauver celui de Legs, trop délicat, excentrique, bizarre aux yeux des rustauds de son école. Dès lors naît entre eux un lien indéfectible, une complicité, une tendresse comme une bouée de sauvetage.

Il pleut souvent, à Dublin, et dans le roman de Karl Geary. Les ciels sont lourds et n’incitent pas à l’optimisme. Il faut dire que la vie n’est pas douce aux deux amis, qui traversent l’existence au gré des tempêtes. Quand on vient des quartiers pauvres, qu’on refuse de se plier aux normes et qu’on revendique une certaine originalité de penser, de vivre, d’aimer, tout est obstacle, même dans les années 80 et leur soi-disant ouverture d’esprit. Juno et Legs évoluent dans un marasme qui leur colle aux basques, et s’enfoncent. Si les passages décrivant leur lien apportent une vraie lumière dans le récit, l’auteur livre un récit douloureux. Maîtrisant l’art de l’ellipse, faisant l’impasse sur de nombreux éléments et les relatant par de simples allusions au cours de conversations, l’auteur laisse une vaste largeur de champ au lecteur pour s’inventer des pans de leur existence, et ce dernier n’imagine rien de joyeux, contribuant lui-même à ajouter au drame. L’accent est mis sur les détails, des mains qui s’entrecroisent, des regards qui se parlent, pour dire leur amour. C’est beau mais c’est triste.

Marianne Peyronnet