La petite bonne, dont on ne saura jamais le nom, trime du matin au soir pour assurer sa subsistance.

 

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Laver les sols, la vaisselle. Se lever tôt sauf le dimanche pour faire le ménage, être discrète et efficace pour ne pas déranger les maîtres qui dorment encore, elle n’a jamais connu que ça, comme sa mère avant elle. Elle se retrouve engagée chez les Daniel. Alexandrine veut s’accorder deux jours de vacances et la charge de s’occuper de son mari. Blaise, gueule cassée de la Somme, a besoin d’une attention constante. Défiguré, amputé des bras et des jambes, il passe sa journée au coin de la fenêtre du salon sombre, harnaché dans son fauteuil roulant. Il faut le laver, le nourrir. La petite bonne, malgré ses appréhensions, accepte. La relation entre ces deux êtres que tout oppose va transformer chacun des deux, pour le meilleur, ou le pire.

La forme choisie par Bérénice Pichat pour conter cette histoire touchante peut dans un premier temps dérouter. Long poème en prose, sans ponctuation, le roman s’avère surprenant de fluidité. Sans qu’elle ait à l’expliciter, le lecteur sait toujours qui parle, qui pense. Blaise et la bonne petite s’observent et sont peu habitués aux longs discours. L’économie de mots sied parfaitement à leurs bribes de conversation, à leurs pensées intimes, à l’évolution de leurs sentiments l’un envers l’autre. Au contraire de Madame qui revit après des années passées au chevet de son époux et éprouve des sentiments contradictoires, des besoins de dire flamboyants exprimés lors de passages beaucoup plus longs, les deux héros se contentent de regards, de gestes, de bouts de phrases. Dans leur tête, la musique couvre les palabres, quand Blaise, ancien pianiste, fait découvrir à l’ingénue des airs merveilleux sortis du gramophone. La beauté n’a pas besoin d’explications.

Sur le fond, le récit progresse à mesure des deux jours que le couple passe ensemble. Seule une petite voix s’insère avec acharnement tout au long du livre, une voix dont on ignore tout jusqu’à la fin, qui soulève une crainte diffuse. Blaise et la petite bonne font connaissance. Douleurs des corps, frustrations communes, souvenirs d’un enfer déjà vécu les rapprochent. Le lecteur se délecte de leur connexion tout en apprenant beaucoup sur les mœurs de l’époque, la condition de vie ouvrière dans les années trente, le destin des mutilés de la Grande Guerre, et celui des petites bonnes.

Marianne Peyronnet